Ici, le paysage agricole prend nettement le pas sur la forêt ; les clairières se touchent et fusionnent en un espace ouvert où les premiers plans se sont élargis. Il reste beaucoup de bois sur les hauteurs, et l’on reste entouré de crêtes boisées de toutes parts. Cette barrière naturelle nous sépare nettement des plaines périphériques : la perception globale reste celle d’un espace clos. Les bourgs et les routes sont concentrés dans les bas des pentes ; la forêt laisse de larges respirations, mais les vues panoramiques restent l’exception.
Ce Morvan se caractérise par un paysage de collines de granite assez résistant dont les flancs sont cultivés, et par un climat moins rude que dans le dorsale boisée. Si l’on excepte le secteur de Brassy, il s’agit toujours de secteurs de transition entre un « haut » adossé au Morvan montagnard et les collines chaotiques annexées au Morvan, autour de 300 m d’altitude ; ce lien est affirmé par une vallée bien lisible, vallée-couloir ou vallée bocagère : Anguison, Yonne, Ternin, Celle, Dragne.
C’est le Morvan où se concentre l’essentiel de l’activité agricole. La démographie semble atteindre un nouvel équilibre, soutenue par les « retours au pays » des jeunes retraités. L’installation de quelques jeunes entraîne un dynamisme de fêtes, d’associations. Ces « néos » ont souvent quelques racines familiales dans le Morvan ou dans les régions limitrophes..
« Ici, aucun hameau n’est étouffé dans la forêt. La neige ne reste que 1 à 5 semaines par an ».
Un agriculteur.
« Ici les commerces restent ouverts toute l’année : Ce n’est pas juste pour l’invasion de touristes comme aux Settons ou à Vézelay. » Un retraité.
Les vallons gardent souvent une direction indécise à l’amont. A l’aval, leur lisibilité s’accroît à mesure qu’ils s’élargissent et que l’érosion a franchement effectué son travail de déblaiement. L’habitat privilégie nettement les versants bien exposés à l’ouest et au sud ; hier, l’ensoleillement était prisé pour assurer la venue des fruits et des légumes dans l’« ouche » familiale. Aujourd’hui, la qualité de lumière reste déterminante dans le cadre de vie pour tous ceux qui choisissent de vivre ici pour toute ou partie de l’année.
A plusieurs reprises, la vallée se referme brusquement sur une bande boisée qui barre l’horizon ; cela correspond souvent au franchissement de la bordure géologique du massif ancien : le Mont-Vigne, la ceinture à l’ouest de Montreuillon, la butte qui occasionne un détour du Ternin à Sommant... Ces barrières de collines sont constituées d’une roche peu altérable qui a mieux résisté à l’érosion que le granite et dont les sols maigres sont voués à la forêt. Ces collines en trompe l’œil inversent en plusieurs endroits la perception du relief : le ruisseau que l’on croirait descendre de ces crêtes hautes y trace au contraire une échappée en serpentant à-travers des gorges escarpées.
Ces Morvans restent pourtant bien dissociés : la "dorsale" qui court de St Brisson jusqu’au Haut Folin sépare l’ouest, plus pluvieux, moins gélif, de l’est plus sec mais plus gélif. Côté nord, l’on est du Morvan tourné vers les « parisiens ». Côté sud, certains revendiquent leurs liens avec Autun et au-delà, avec le Lyonnais ; d’autres se revendiquent du Bazois, réputé historiquement plus conservateur.
« Je vais dans le sud : il y a des points hauts, avec de superbes points de vues. C’est surtout au sud que je fais des photos. » Un photographe amateur de l’est Morvan.
« Le sud-ouest du Morvan c’est différent : en termes de paysages, c’est plus typique, avec plus de pentes. Mais il y a plus de pluie. Peu de pôles d’attraction. Les mentalités sont plus fermées ; Il y a davantage de vieux. L’accès est plus difficile, il y a une barrière de neige en hiver. Il y a davantage de résidences secondaires, de volets fermés en hiver. Un instituteur du sud-est Morvan.
Dans ces Morvans intermédiaires, la richesse du paysage résulte d’une union, généralement harmonieuse, entre des éléments opposés. Ces équilibres structurels semblent bien identifiés par la plupart des personnes rencontrées, mais leur interprétation diffère. L’équilibre agriculture-forêt, par exemple, est un motif d’inquiétude pour certains qui le considèrent instable, alors que pour d’autres, cet équilibre est stable, en particulier en Morvan intermédiaire. Quelques personnes, surtout parmi les responsables politiques, s’inquiètent des basculements entre le bâti traditionnel ou moderne, entre les différentes populations des hameaux, tandis que d’autres ne sentent pas ces équilibres menacés.