Ces liens perdurent à -travers le nombre encore élevé de Morvandiaux qui possèdent un bien forestier ; la pratique persistante de l’affouage, par ailleurs, autorise les résidents à récolter du bois dans un carré de parcelle communale.
Dans ce paysage de clairières cernées de forêts, le chauffage individuel au bois garde tout son sens, et sa filière est porteuse d’emploi local, de lien social entre résidents permanents et temporaires. Qu’il s’agisse d’un chauffage traditionnel à bûches ou d’une chaudière à bois déchiqueté, le bois autorise des pics de production qui permettent de réchauffer rapidement une maison utilisée occasionnellement. Une installation moderne n’est certes envisageable que dans le cadre d’un réseau de chaleur, ce qui paraît envisageable dans ce paysage de logements groupés en hameau. Des résidents permanents deviendraient ainsi fournisseurs de chaleur pour leurs voisins et le cas échéant pour des équipements publics ; cette filière leur permettrait de renouer avec un rôle économique et social ancré dans l’histoire locale.
« On attribue à peu près 400 stères/an dans les bois communaux. Du taillis, des houppiers à faire. La demande est stationnaire, d'environ 40 foyers intéressés pour 10 à 20 stères chacun. On y rajoute le droit de couper dans des chemins ruraux obstrués par du frêne, bouleau, noisetier. » Un maire du nord Morvan
« On a une chaufferie bois communale. Une chaudière de 100 kcal alimentée en bûches de 1m. Chargée 4 fois/j, dont 3 fois par le cantonnier, une fois par le locataire. » Un élu du centre Morvan.
« Nos haies anciennes ont permis de consolider un emploi local : C’est le cantonnier qui façonne, à peu près 90 stères/an. Avec le fuel a 3 F, ça nous économise 10 000 F/mois ( 1 500 €) sur 6 mois. Ca nous fait 1/3 d’emploi. A côté de ça il fait le chauffeur du car scolaire pour emmener les enfants à la piscine de Château, et il suit le réseau de captage d’eau. » Un élu du centre Morvan.
RESPONSABILISER LES GRANDS OPERATEURS FONCIERS ?
La présence de grands opérateurs fonciers n’est pas nouvelle ; la terre morvandelle n’appartient que pour partie aux Morvandiaux. Les communes et les hameaux possèdent peu de biens fonciers propres, contrairement à celles de Lorraine ou du Jura par exemple. Tout au long du XXe siècle, le poids des grandes familles historiques morvandelles se sera estompé progressivement au profit d’opérateurs financiers : caisses d’épargne, de retraite, banques, assurances. L’un des défis pour les élus locaux depuis plusieurs décennies est de concilier les initiatives de tel ou tel grand opérateur foncier avec un projet de développement local.
L’audit sur la forêt de février 2003 précise que 80% de la forêt morvandelle a un statut de propriété privée, le reste se partageant entre la forêt domaniale( 6%), les institutionnels (7%) et les autres propriétés publiques (7%). Malgré leur faible pourcentage, l’action des grands opérateurs fonciers est souvent perçue négativement dans le paysage car ceux-ci gèrent des parcelles bien regroupées, pouvant occuper un versant entier, ce qui renforce l’impact visuel des interventions liées à la gestion forestière.
Le département de Paris, l’EDF, possèdent une surface, certes limitée (à quelques milliers d’hectares ?), mais dont la position est extrêmement sensible puisqu’il s’agit des berges et des versants visuellement très exposés qui entourent les lacs de barrage. La gestion de ces terres, qu’il s’agisse des terres communales ou de celle des grandes collectivités, est presque toujours confiée à l’ONF.
Viennent enfin les biens forestiers de grandes sociétés anonymes : celles-ci ont acquis et enrésiné après-guerre tous les « hauts de butte » qui partaient en friche ou les terres qui s’étaient déjà naturellement couvertes de taillis.
« Les biens des communes et des hameaux qui représentent 4 000 ha environ (en 1962, ce qui représentait déjà une très faible surface ndlr) ont été réduits d’un millier d’hectares en un siècle à la suite de ventes diverses à des particuliers. La diminution de la densité démographique, l’abandon progressif des pâturages où il fallait garder les bêtes, a livré aux bruyères et aux genêts les anciens espaces de parcours où le troupeau des pauvres, les ovins en particulier trouvaient un complément indispensable de nourriture. » Extrait de < Le Morvan, la terre et les hommes >, Jacqueline Bonnamour, 1966.
La propriété collective des terres au bord des barrages pose une condition préalable à l’aménagement touristique local ; autrement dit toutes ces propriétés par leur nature même sont davantage gérées avec le souci d’intérêts nationaux ou verticaux et leur devenir est rarement conçu dans une perspective régionale maintien du capital pédologique, aménagement touristique.
Extrait de < Le Morvan, la terre et les hommes >, Jacqueline Bonnamour, 1966.