Atlas des paysages Parc Naturel Régional du Morvan Retouner à la page d'accueil

Sur le vif : les termes du débat

Ce chapitre regroupe un ensemble d’interrogations recueillies lors des enquêtes. Ces personnes ont émis de nombreuses suggestions dont la pertinence, très inégale, est laissée à l’appréciation du lecteur. Les questions ont un intérêt en soi : elles constituent autant de clefs d’entrée avec des partenaires locaux pour des actions touchant au paysage.

Qui entretiendra l’espace ouvert ?

• Combien d’agriculteurs par hameau-clairière ?

Va-t-on vers le seuil d’un seul agriculteur par hameau ?
En 1970 encore, les locaux se souviennent qu’on trouvait couramment 5 à 15 agriculteurs par hameau. Il n’en reste qu’un, ou quelques-uns aujourd’hui. La question est de savoir si l’on a atteint un nouvel équilibre ou si l’on va basculer vers un paysage de « ranchs » extensifs.
"Dans la Nièvre, on a entendu parler d’un fêlé qui gérait plus de 1 000 bêtes !" (Un agriculteur)

Le nombre de fermiers baisse.
"Sur la commune, 10-12 agriculteurs dans les années 1960, chacun avec 3 vaches, 1 cochon. Il n'en reste que 3, et bientôt 1 ou 2." (Un propriétaire foncier)
"Il faudra bien garder un exploitant par village. Il faudrait maintenir la surface agricole, mais aussi sauvegarder l'exploitation familiale. Sinon demain, qui va nettoyer les buttes ?" (Un éleveur)

" Dans 10 ans, il y a peu de jeunes pour reprendre les exploitations. Elles sont redivisées pour les voisins, mais on ne peut faire cela à l’infini... Par ici on risque de voir bientôt des fermes entières basculer vers le reboisement ?" (Un agriculteur)
"Les fermes ne retrouvent pas toujours des repreneurs. Vers quel élevage va-t-on ? On parle beaucoup d'un éleveur vers Moulins Engilbert, qui avait 700 bêtes. Il a subi un grave problème sanitaire, ça sert d'exemple par ici. Avec le modèle familial, on est déjà bien assez occupés avec 60, 70 vaches allaitantes; avec les jeunes et les élèves, ça fait déjà des troupeaux de 150 bêtes en saison." (Un éleveur)

Les domaines se sont regroupés
"Il y avait 7 domaines ici au départ, ils ont été regroupés en 3." (Le propriétaire d’un domaine agricole)

Les regroupements fonciers vont vite, même si le parcellaire reste très morcelé. Sur 60 ha de terre du centre Morvan, on recense couramment 100 parcelles cadastrées, pour la plupart maillées de haies.
« Ici le remembrement il se fait tout seul ». On passe une partie de sa vie à courtiser celui qui décidera de l’affectation des terres lors de la cessation. Certains proprios commencent à s’inquiéter de ne plus trouver de preneur : « demain, les exploitants nous donneront ce qu’ils veulent ! ».
C’est vrai que pour un pré isolé il y a de moins en moins de concurrence. Si l’exploitant voisin bloque le chemin à votre parcelle, par exemple, vous n’avez plus d’autre accès, et on en vient à lui céder." (Un agriculteur de l’ouest Morvan)

"Hier, chacun avait 5-6 vaches allaitantes, quelques cochons, 5 ou 10 ha. Chaque butte, elles s'est remembrée toute seule. Par acquisition, ou location." (Un éleveur de charolaises)

• Quel soutien à la filière de veaux broutards vers l’Italie ?

Le grignotage de la forêt semble résulter directement de la logique d’évolution des prés pentus ou difficiles d’accès : seront-ils replantés ou durablement entretenus de façon extensive ? La réponse repose sur la pérennité de la filière de vente des broutards, qui partent beaucoup vers l’Italie.
"Les 3/4 des ventes (de broutards), c'est pour l'Italie." (Un éleveur de charolaises)

• Quel avenir pour les primes à la surface utilisée ?

Les primes apparaissent indispensables à l’entretien de ce paysage, d’autant que la filière a été gravement affecté par la crise de la viande bovine dite « crise de la vache folle ».
"Il faut absolument maintenir les aides à l'élevage. Un propriétaire foncier.
La politique agricole, c'est la moitié du revenu ! " (Un éleveur de charolaises)

• Quel usage pour les prés de fonds ?

Les prairies humides et les mouilles ont fait l’objet de plusieurs politiques différentes en 30 ans. Autour des lacs, des espaces agricoles partent en friche et sont gagnés par la forêt. Comment maintenir un usage agricole autour des lacs ?
"Ces prairies s'enfrichent souvent; On a voulu les assainir; on cherche aujourd'hui à les préserver comme milieux humides." (Un élu du nord Morvan)
"Conserver un usage agricole aux prés de fonds ? Dans les vallées c’est souhaitable mais aussi pour toutes ces coulées vertes autour des ruisseaux : Sinon elles tournent en friche, en peupliers." (Un agriculteur)
"Il faudrait vraiment pérenniser la mesure MAE sur les mouilles." (Un éleveur de charolaises)


• Quel avenir pour les prés de pente modérée ?

On observe deux tendances, dont l’une domine : Les champs sont devenus des prés.
Après transformation des prés en terres cultivés avec arrachage des haies il y a transformation des parcelles cultivées en prairies entraînant un changement des damiers de couleurs. Tendance à deux vitesses selon les endroits et selon chaque agriculteur .
"Avant, ici, c’était une mosaïque de cultures, mais ça a disparu, il n’y a presque plus que des prés. Ca fait une grande différence de paysage à l’automne." (Un élu local)
"On ne voit presque plus de perdrix." (Un habitant des collines de l’ouest)

Extrait de Verlynde :
"L’élevage extensif maigre paraît convenir au Morvan et particulièrement aux hautes terres. Il se pratique en effet plus facilement sur les petites exploitations à l’image du Morvan. L’élevage du broutard exige en fait peu d’investissement et ne nécessite pas l’existence d’équipements importants au niveau des bâtiments d’exploitation. Seules les vaches mères séjournent à l’étable pour vêler à l’entrée du printemps. Les veaux ne la fréquentent que quelques semaines avant de rejoindre le pré. Le bétail est livré à l’herbage dès le mois d’avril, les veaux crois¬sent alors sur les pelouses en compagnie de leur mères dont ils tètent le lait durant les premières semaines. Ils atteignent après une période d’environ six mois pas¬sée sur les pâturages entre 280 et 350 kilogrammes.
Le système, comme nous le constatons, privilégie le mâle, les femelles jusqu’à une période récente se commercialisaient plus difficilement. Les meilleurs éléments étaient conservés pour le remplacement des vaches de réforme. Depuis quelque temps, les agriculteurs espagnols et les portugais achètent localement des génisses charolaises qu’ils destinent également à l’engraissement. Quant aux bovins mâles, ils continuent à être envoyés en Italie à hauteur de 50 voire 60 % où ils sont engrais¬sés dans des régions de grandes cultures telles que la plaine du Pô. L’autre partie de la production morvandelle est expédiée vers les régions agricoles de l’ouest (la Vendée), du sud-ouest (le Gers) ou du Bassin Parisien pour y être engraissés.
Une autre forme d’élevage charolais en dehors de la production du broutard se développe sur les terres du Haut-Morvan. Elle vise également à produire des animaux maigres. Elle consiste à maintenir les bovins mâles plus longtemps sur l’exploitation pour produire des animaux âgés de 18 à 24 mois qui seront alors commercialisés sous forme de taurillons destinés à l’engraissement.
Cette forme d’élevage cependant ne peut pas se pratiquer sur toutes les exploitations, elle est réservée aux plus grandes dont les ressources plus importantes permettent un maintien prolongé sur les prairies.
(…) La pratique d’un seul type d’élevage présente l’inconvénient d’espacer les rentrées d’argent à moins que l’agriculteur pratique à côté une activité extra-agricole.
Toutefois, les tendances observées à l’heure actuelle visent à accorder une place plus importante que par le passé à la production de broutards. (…) Ainsi, les éleveurs aujourd’hui, en fonction de leurs besoins, étalent les naissances sur une période plus longue. La commercialisation peut alors intervenir aux différentes époques de l’année, facilitée en cela par l’existence de marchés hebdomadaires tel que le marché au cadran de Moulins-Engilbert.
Ce marché a en quelque sorte révolutionné les méthodes traditionnelles de commercialisation des animaux en Morvan.
Par le passé, l’éleveur pour la commercialisation de ses animaux dépendait du bon vouloir et de l’honnêteté du marchand de bêtes de passage à la ferme avec parfois le risque du chèque en bois. Cette méthode est loin d’avoir disparu et certains éleveurs la préfèrent encore à tout autre mode de commercialisation.
D’autres éleveurs trouvent des avantages à adhérer à des groupements d’intérêts agricoles. Le marché au cadran, quant à lui, un système de vente électronique, par enchères progressives, garantit à l’éleveur un paiement comptant de sa production et lui assure un écoulement permanent. Si l’éleveur doit toujours conduire sa bête au marché, l’acheteur en ce qui le concerne n’est plus obligé de se déplacer sur le lieu de vente mais peut acheter à distance grâce à la magie de l’informatique. Cette révolution commerciale n’empêche pas une variation des cours toujours préjudiciable à l’éleveur morvandiau. Les prix d’achat pratiqués à l’heure actuelle plus que jamais démontrent toute l’utilité des primes agricoles indispensables pour compenser les pertes du revenu agricole." (D. Verlynde, 1995)

Quel avenir pour les haies, petits prés, arbres isolés, murs de pierre ?

• Quel bocage pour les exploitations qui s’agrandissent ?
Dans les piedmonts, la dynamique d’évolution actuelle semble aller vers un démaillage de la trame bocagère et par endroits vers une disparition totale du bocage. Les haies conservées sont néanmoins régulièrement entretenues, ce qui tend à prouver que tous les agriculteurs ne souhaitent pas voir disparaître l’ensemble des haies.
Le nouveau paysage agricole est plus extensif. Il est difficile de justifier la conservation d’une simple haie de division quand elle ne sépare plus deux propriétés.
Si les contours des bois semblent stables dans l’histoire, l’arbre voit sa place se réduire dans le paysage agricole : agrandissement des parcelles, extension des cultures, développement des clôtures artificielles aux dépends des haies, non-renouvellement des arbres isolés : Le paysage se banalise, perdant petit à petit le rythme des haies basses et les repères formés par les silhouettes des arbres isolés.
Dans le vallon de Pontot par exemple, l’absence de plantation de jeunes arbres condamne à terme la présence d’arbres dans le paysage ce qui lui ôtera l’aspect de grand « parc à l’anglaise » qu’il a aujourd’hui et qui fait tout son charme.

« Il y a eu des défrichages par les paysans. Des parcelles que les grands-parents ont laissé prendre en friche. Au cadastre, c'est souvent classé "lande".

Il y a un GAEC qui prend tout ce qui se présente, en achat ou en bail. Il enlève beaucoup de haies… » Un élu du centre Morvan.



• Des haies à conserver prioritairement : les haies en courbe de niveau
Ces haies sont d’un intérêt prioritaire. Elles jouent un rôle anti-érosif, et structurent la lecture du paysage en soulignant le relief

• La haie « haute bien entretenue » va-t-elle se généraliser ?
La haie haute et bien entretenue est remarquée par les différents acteurs, et présente quelques avantages. Elle reste un problème en terme d’entretien.
"Je trouve qu’on devrait s’intéresser à nouveau à la haie haute : moins d’entretien, juste une taille au gabarit de largeur tous les 3 – 4 ans. Le problème, c’est qu’il faut brûler les branches derrière." (Un agriculteur)
"Quel parc d’engins faut-il acquérir pour entretenir demain ?" (Un élu du nord Morvan)
"Maintenir le lien entre élevage et bocage." (Une habitante du sud Morvan)


• Comment organiser des secteurs cohérents de gestion ?
Un agriculteur d’aujourd’hui, sur ses 60 à 80 ha, compte couramment 20 à 30 km de haies, auxquelles il consacre couramment 150 heures d’entretien annuel.
La clôture est installée chaque fois que possible au cœur de la haie.

« Les traces, elles diminuent en nombre. On clôte dans la haie. » Un éleveur.

Chaque agriculteur, qui dispose généralement d’un broyeur, « nettoie sa butte » fin août- septembre.
Des conventions ont été passées pour l’entretien des chemins de randonnée.

« Il faudrait sensibiliser les jeunes agriculteurs très mécanisés. Aujourd’hui, avec la mécanisation, les exploitations se sont agrandies. Restent les terres peu mécanisables. On a beaucoup de jeunes, 25 à 40 ans, rien ne les arrête . Si le tracteur passe, ils passent. Ils ont encore été éduqués au « travail bien fait », à soigner leurs haies dans les parcelles, en bords de chemins. Mais leurs successeurs ne s’en ficheront-ils pas de plus en plus ? » Un agriculteur.


• Comment préserver, renouveler le patrimoine arboré, surtout dans les secteurs les plus en vue ?
Les arbres isolés font tout le charme de ce bocage à haies basses, surtout dans les fonds de vallée. Comment les renouveler ?
« Il faudrait sauver ce qui peut l'être des haies et des arbres isolés, surtout autour des sentiers de grande randonnée. Par ailleurs le châtaignier est en péril. Il faudrait maintenir au moins quelques châtaigniers remarquables. » Un maire du sud Morvan.



• Faut-il préférer les bosquets aux arbres isolés pour limiter le risque de foudroiement des animaux ?
L’arbre isolé est une composante remarquée des paysages du Morvan. On signale toutefois les risques qu’ils engendrent en cas de foudre pour les animaux qui s’y abritent.
"Le problème des bêtes foudroyées sous les arbres isolés, cela s'atténue dès qu'on a un groupe de 5 ou 10 arbres, un bosquet, une ligne d'arbres. On ne veut pas conserver les arbres isolés, mais les bosquets, ça reste intéressant pour nous." (Un éleveur)

• Comment entretenir les murets de pierre ?
Dans l’Auxois et le Vézelien, les nombreux murs de pierres qui accompagnent les routes et limitent les parcelles, donnent un aspect très soigné au paysage.
Leur entretien n’est pas toujours assuré, notamment dans les terrains pentus des coteaux.

Quelles règles simples pour harmoniser les bâtiments agricoles ?

Ces règles pourraient viser à la fois à:

- mettre en valeur les corps de bâtiments existants et leurs abords, qui font partie de la vie économique du Morvan d’aujourd’hui
- adapter le choix du site d’implantation et quelques caractéristiques architecturales afin lors de la construction de nouveaux hangars agricoles .

Parc naturel régional du Morvan, Maison du parc 58230 SAINT-BRISSON tél: 03.86.78.79.00