Ce Morvan des forêts et des étangs, des petites clairières intimistes, correspond à la « dorsale » du massif. C’est le Morvan montagnard qui se distingue par un taux de boisement très élevé, une altitude dépassant les 500 m, et l’omniprésence de « cuvettes » à fonds plat en bas des pentes, où s’accumule le matériau arraché aux pentes des croupes arrondies.
« Là -haut, c’est le Morvan fermé, le haut Morvan : plus pentu, avec des vallées ou des petites clairières enfermées dans la forêt ». Un habitant de St Léger sous Beuvray.
Ses contours sont par endroits très lisibles. Au sud-est, sa ligne de crête domine la vallée du Ternin et la clairière d’Anost, témoin d’une grande faille bordière nord-sud. Au sud-ouest, sa ligne de crête et son coteau boisé sont perceptibles de Château Chinon à Larochemillay. A l’ouest, le rebord des reliefs à 550-600m est lisible, reliant les hauteurs de Corancy à Marigny-l’Eglise en passant par les hauts de Montsauche. Au nord enfin, son coteau boisé barre l’horizon au-dessus du piémont nord, marquant le basculement du granite vers le gneiss.
Ailleurs, les contours de cette dorsale sont plus progressifs et assurent la transition vers les entités plus ouvertes et plus habitées. La limite sud, qui passe par la courbe des 500-600 m, est fortement perçue par les habitants.
« Au nord de cette limite, les maisons sont fermées l’hiver. Les fonds de vallons sont boisés. On passe d’une vallée encaissée à une vallée encaissée. C’est un Morvan à faible activité humaine. »
Notes de l’atelier transversal sud-Morvan.
La partie sud est celle des sommets culminants du Morvan avec le site réputé de Bibracte sur le Mont Beuvray ; de nombreuses personnes regroupent dans le terme « haut-Morvan » les deux entités du sud de cette dorsale qui, de fait, est la seule à comporter des sommets dépassant 700, voire 900m.
L’ensemble forme le Morvan des petites clairières intimistes où chaque hameau avait autrefois son auberge, largement décrit par Marcel Vigreux ; ici se concentraient des populations de paysans-bûcherons aux grandes heures du flottage, loin des pays de châteaux omniprésents alentour, et ce secteur a connu de grandes luttes sociales au milieu du 19e siècle. L’esprit de résistance y a sans doute puisé des racines au cours de la seconde guerre mondiale puisque plusieurs maquis ont trouvé soutien dans ce secteur. Les bourgs en portent encore la trace : Montsauche, Planchez ont perdu une bonne part de leur cachet depuis qu’ils ont été rasés par les Allemands à la fin de la guerre de 1939-45.
Plus au nord c’est le Morvan des lacs qui connaît un regain de notoriété depuis un siècle : les Settons, et, moins connus, Chaumeçon, Saint-Agnan. C’est aussi, au nord-est, ce Morvan à la fois austère et apaisant où se sont établis les moines de l’abbaye de la Pierre qui Vire. Plus récemment, c’est dans ce Morvan que se sont implantés les pôles du Parc Naturel Régional et du musée de la Résistance, qui attirent des visiteurs mais également de nombreux Morvandiaux.
Dans tout ce secteur mais plus encore au nord de cette dorsale, les lignes de crête sont très estompées et difficiles à percevoir sous la forêt qui les recouvre. Il est rare de voir un sommet émerger, et l’horizon semble toujours s’arrêter à la première crête boisée. De la même façon, les points de vue sont rares sur le paysage en contrebas. Hormis quelques exceptions comme le Rocher de la Pérouse qui offre un point de vue sur les Collines de Brassy depuis des rochers escarpés, les ruptures de pente sont couvertes d’un sol encore suffisamment épais pour porter une forêt dense. Il arrive cependant qu’à l’occasion d’une coupe forestière s’ouvre une précieuse fenêtre.
L’érosion a sculpté dans les vieux socles tabulaires des « reliefs en creux », des versants imposants dont les pentes boisées ceinturent les « cuvettes » et les vallées forestières.
« Le sud, c’est accidenté, vallonné. La route zigzague. » Un habitant photographe amateur du nord est Morvan.
L’axe des vallons, en revanche, est peu perceptible ; l’impression générale est plutôt celle de « cuvettes » de 1 à 3 Km de large aux contours parfois nets, souvent incertains, reliées entre elles par un court tronçon de vallon. De fait, le contour de ce dernier ne cesse de s’ouvrir et de se refermer, bifurquant à chaque fois. Dans un processus d’érosion de montagne plus classique, les cours d’eau s’attaquent aux obstacles et tracent progressivement un vallon affirmé, de plus en plus rectiligne et régulier. Ici, le moindre obstacle occasionne un méandre, un contournement, et souvent une « mouille », même en haut de pente.
Les sols forment une mosaïque très imbriquée de « mouilles » et de sol sain peu propice à tailler de grandes parcelles de labour. Pour autant, les « lentilles » de bon sol peuvent être très fertiles et ont été par le passé très convoitées comme champs de seigle, de pomme de terre. La nécessité de faire la part du bon et du mauvais sol de culture a dessiné un parcellaire agricole serré et sinueux, et les secteurs dans lesquels le « bon » domine sur le « mauvais » sont pour bonne part responsables du tracé complexe des clairières « noyées dans la forêt », fruit d’un long tâtonnement paysan. Le système d‘élevage allaitant est certainement l’un des systèmes agricoles modernes les plus aptes à tirer parti de ce parcellaire complexe.
« Là -haut, c’est moins de paysans, plus de résineux et de sapins de Noël, C’est un mois d’herbe en moins : on y rentre les vaches de novembre à avril. » Un agriculteur de Brassy.