Atlas des paysages Parc Naturel Régional du Morvan Retouner à la page d'accueil

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Quelques grand traits

UNE ILE GRANITIQUE CEINTUREE DE « BONS PAYS »

Le Morvan se détache fortement de la ceinture de pays fertiles qui l’entoure. La côte sud de cette île, escarpée, dominerait la dépression de l’Autunois, tandis que cette île descendrait en pente plus douce sur ses trois autres faces vers des paysages plus typiques de la « bonne » Bourgogne. Cette jonction se fait dans un enchevêtrement de vallées, de collines granitiques et de coteaux calcaires : vers le Bazois à l’ouest, vers la Terre Plaine au nord et vers l’Auxois à l’est.
De fait, tout sépare cette enclave de granite de ses voisins : la nature, l’histoire, et bien sûr les paysages.
« De Vézelay, belvédère naturel (...) le Morvan s’annonce comme une croupe à peine accentuée en saillie, mais qui contraste par son uniformité, sa tonalité sombre avec le pays calcaire. Lentement il s’élève vers le sud, d’où seulement, vu du bassin d’Autun, il présente l’aspect d’une chaîne. »
Extrait du « Tableau de la géographie de la France » de Paul Vidal de la Blache, géographe, 1902.

UN MASSIF MOINS CONNU QUE SES FRANGES

La plupart des auteurs s’intéressent à la bordure du Morvan riche en villes et en épisodes historiques, en paysages prestigieux, se contentant d’en souligner le contraste avec la pauvreté du pays intérieur. Les Morvandiaux eux-mêmes se sont appropriés le terme de « massif granitique » tandis que l’on parle des « régions » et des « pays » calcaires. Le terme de « massif » semble être adopté bien au-delà de son sens géologique ; il évoque aussi un certain équilibre, une puissance physique -les Morvandiaux ayant été longtemps réputés pour être durs à la tâche- ou une résistance aux modes qui passent.

UN SEMIS DE PETITES ET DE GRANDES CLAIRIERES

Ici, la nature se joue du paysan qui doit composer entre les buttes de sol maigre et les terres de fonds où l’eau stagne. Là, elle lui offre des pentes couvertes d’une mosaïque serrée de bons sols et de « mouilles ». Par places, le sol y est profond et fertile, propice à cultiver son « ouche ». Partout, l’eau ruisselle ou jaillit : le climat est frais et humide.
Le pays a connu plusieurs flux et reflux de défrichements dans l’histoire. Les hommes ont défriché un semis de petites clairières dans les forêts des propriétaires nobles dès le Moyen Age, où ils se sont dispersés en autant de hameaux isolés. Leurs maisons de pierre sombre tranchent sur les bâtisses lumineuses des régions de pierre de taille calcaire. Ils ont mis en place une petite propriété foncière agricole juxtaposée à de grands domaines forestiers.
L’absence de cité historique stable fait écho à l’absence de sommet bien visible dans cette « montagne » où l’influence des plus gros bourgs ne dépasse pas un secteur limité au massif lui-même. Cet isolement, cette résistance, cette absence de centre historique se démarquent d’autant plus que les marges du Morvan ont toujours été largement aménagées autour de cités réputées : Autun, Saulieu, Avallon, Vézelay. Situées au bord du grand corridor historique qui relie l’Europe du nord à la Méditerranée, elles ont subi les influences de toutes les civilisations tout en en restant, pour partie au moins, à l’écart.

TROIS SITES RECONNUS

Seuls trois sites sont relativement connus : Vézelay, le lac des Settons, et, plus récemment le Mont Beuvray.
Hors de ces sites, le même constat de confidentialité revient souvent :
« Ici, on n’a pas de point d’attraction touristique majeure: ce n’est ni Vézelay, ni le lac des Settons ! Alors, beaucoup de gens traversent la petite région sans s’arrêter. » Un conseiller municipal de la Marche Boisée, 1999.

UN RESERVOIR D’EAU

La façade occidentale du Morvan est arrosée de pluie par des nuages qui rencontrent là leur premier obstacle depuis le bassin parisien.
Au sud du Morvan, l’eau vive dévale les pentes boisées vers Autun. A l’ouest, elle alimente la Loire, tandis que le reste du Morvan alimente la Seine, ce qui, du temps du flottage, a permis d’utiliser les ruisseaux comme autant de canalisations naturelles vers Paris.
« L’eau suinte par une multitude de sources, s’éparpille en un chevelu de ruisseaux infiniment ramifiés, s’étale dans les « mortes eaux » des étangs. » La France, géographie et tourisme, Larousse, 1954.

L’aménagement hydraulique a une longue histoire ici ; de multiples étangs ont été édifiés en barrant un vallon, le plus haut possible sur les « buttes », comme autant de « châteaux d’eau » pour le flottage. L’usage était de les vidanger tous ensemble, à une heure précise, afin d’emporter en quelques heures le bois coupé dans l’hiver. Le tribunal de Lormes est riche en jurisprudence sur les innombrables conflits d’usage autour de cette ressource.
Plusieurs lacs de barrage imposants régulent le débit de la Seine ; ils stockent les pluies d’hiver et de printemps pour limiter les crues, et sont vidés au cours de l’été pour soutenir le débit du fleuve. Plus récemment, de grandes retenues ont créé des lacs au milieu des bois pour constituer des réserves d’eau potable.
Le Morvan pourrait-il développer une image de source d’eau pure, comme l’ont fait d’autres régions du Massif Central ?
« On aurait toutes les raisons de faire de l’eau de source ici ». Un retraité pêcheur, 1999.

UNE TERRE D’EXODE DEPUIS 1880

De Vauban à Vidal de la Blache, le Morvan est décrit comme un caillou à demi stérile, le parent pauvre des riches régions agricoles qui l’entourent. Cette image a la vie dure. Dans le Charolais par exemple, les terres calcaires ou argileuses sont désignées comme les « bons pays » par opposition aux collines granitiques du Morvan. Cette perception domine chez les Bourguignons, à l’est et au nord, comme chez les Bourbonnais, au sud et à l’ouest.
Les Morvandiaux constituent une importante diaspora d’enfants du pays partis travailler ailleurs depuis une ou plusieurs générations, mais restant attachés au pays. Cette diaspora a longtemps été renforcée par des « petits paris » restés attachés au pays de leur enfance.
« La partie nord-ouest du Morvan décrite par Vauban en 1696 est « un terroir aréneux et pierreux (...). Les terres (...) ne rapportent que du seigle, de l’avoine et du blé noir pour environ la moitié de l’année à leurs habitants qui, sans la nourriture du bétail, le flottage et la coupe des bois, auraient beaucoup de mal à subsister ».
Pour le cultivateur ou vigneron des « terres plaines », (le Morvan) éveille l’idée d’une terre ingrate et dont les usages, les cultures, les patois constituent un monde étranger. Il oppose aux belles cultures qui l’avoisinent la pauvreté d’un sol siliceux, privé d’éléments fertilisants, moins propre aux moissons et à l’engraissement du bétail qu’aux arbres et aux landes, aux genêts à balai, aux grandes digitales, aux taillis de hêtres et de chênes. »
Extrait du < Tableau de la géographie de la France >, P. Vidal de la Blache, 1902.

Pour certains, cet exode a permis de desserrer l’étau du manque de terres.
Cet exode n’a pas été un malheur puisqu’il a permis à ceux qui restaient de vivre mieux » R. Chapuis, universitaire, communication personnelle.

L’une des grandes tâches du Parc Naturel Régional est de contrecarrer l’isolement et l’image négative de la région.
« Le parc a été moteur. Ils ont commencé à exporter une image positive du Morvan, et des gens commencent à se la réapproprier. » Un responsable touristique, 2000.
« Il y a quelques années, l'appellation "en Morvan" était passée sous silence, par exemple à Alligny. Champeaux, ils ne le disaient plus, ils le redisent aujourd’hui. » Un élu, 2000.

Quand des auteurs parlent du Morvan

« On décrit souvent le Morvan comme un pays maudit : ni bon sol, ni bonnes récoltes, « ni bon vent, ni bonnes gens ». Les personnes le fuient, les prés gagnent sur les labours ; malgré le renouveau de la prairie temporaire, l’élevage se fait volontiers plus extensif ; les Morvandiaux délaissent la forêt-taillis, les plantations de conifères se multiplient et donnent un aspect plus sévère encore à ce pays vallonné où l’horizon est toujours borné. Comme une lèpre, les friches gagnent un pays rapiécé, mal ravaudé. »
Extrait de < Le Morvan, la terre et les hommes >, Jacqueline Bonnamour, 1966, p. 245-248.

« (…) En revanche, et durant tout le XIXe siècle (sans oublier le début du XXe), ce pays, isolé, mal connu, a toujours été jugé étrange, mystérieux et affublé d’une mauvaise réputation, face aux “bons pays” voisins. Quelque jeune bourgeois était-il en quête de dépaysement ou voulait-il frôler le danger? Il se risquait à gagner le Morvan, ses forêts, ses châteaux, ses maisons hantées, et nous avons Mont-Revêche de George Sand. L’abbé Baudiau, historien du Morvan, affirme que “la croyance aux sabbats... était naguère très répandue”. Le célèbre Dupin voit, dans “cette contrée, au cœur de la France,... une véritable impasse pour tous les pays voisin, une sorte d’épouvantail,.., un vrai pays de loups, dans lequel le voyageur craint de s’engager”. Même s’il déclare aimer le Morvan, l’adversaire de Dupin, Claude Tillier, n’hésite pas à écrire en 1842 : “C’est un pays qui ne ressemble à aucun autre... Vous ne pouvez le méconnaître... Si vous venez de Clamecy, à peine avez-vous dépassé la petite ville de Tannay et franchi l’Yonne, que, déjà vous n’êtes plus en France; le milieu qui vous environnait a changé comme une décoration de théâtre... En quelques minutes, vous avez fait deux cents lieues”.
Cette réputation de “mauvais pays”, si souvent reprise au cours du XIXe siècle, a amené les Morvandiaux eux-mêmes, du moins les habitants des communes de bordure, à renier leur appartenance à leur pays et à affirmer aux voyageurs que le Morvan est encore plus loin. L’abbé Henry cite les anciens de Quarré-les-Tombes, qui disaient: “Nous ne sommes pas du Morvan”. L’un des hebdomadaires de Château-Chinon de la fin du XIXe siècle, Le Journal du Morvan, écrit: “Le Morvan est un pays insaisissable. Interrogez le Morvandeau, il vous affirmera que le Morvan est tout près et qu’il commence au plus prochain village. On traverse ainsi tout le pays sans le rencontrer”: En 1909 encore, le géographe Levainville affirme: “Le paysan n’aime pas avouer qu’il est du mauvais pays”.
Des appréciations si opposées, entre le XIXe et le XXe siècles, ont accentué les désaccords sur la délimitation du Morvan. »
Extrait de < Paysans et notables du Morvan au XIXè siècle jusqu'en 1914 >, Marcel Vigreux, 1998.

Parc naturel régional du Morvan, Maison du parc 58230 SAINT-BRISSON tél: 03.86.78.79.00