Atlas des paysages Parc Naturel Régional du Morvan Retouner à la page d'accueil

Sur le vif : les termes du débat

Ce chapitre regroupe un ensemble d’interrogations recueillies lors des enquêtes. Ces personnes ont émis de nombreuses suggestions dont la pertinence, très inégale, est laissée à l’appréciation du lecteur. Les questions ont un intérêt en soi : elles constituent autant de clefs d’entrée avec des partenaires locaux pour des actions touchant au paysage.

Le lecteur pourra utilement se référer au « Cahier de recommandations paysagères à l’usage des sylviculteurs du Morvan ». Ce document paru en 1997, qui a fait l’objet d’un large partenariat, apporte des propositions sur plusieurs points évoqués dans ce chapitre.

Comment faire cohabiter conifères et feuillus ?

L’opposition à l’enrésinement n’est pas récente dans le Morvan, et elle connaît épisodiquement des pics de mobilisation ; nous proposons quelques mises en perspective dans le chapitre « le Morvan vu de l’intérieur ».


• Jusqu’où se développera le mélange d'essences ?
Il faudrait profiter du choc de la tempête de 1999 pour inciter à pratiquer la futaie jardinée ? Un propriétaire forestier.

• Des communes continueront-elles à acheter des buttes et des fonds « sensibles » ?
Il arrive qu’une mairie acquière des fonds à nu, à seule fin de faire obstacle à l’enrésinement sur des coteaux sensibles. Des résidents en viennent parfois à faire de même. Dans un souci de protection du paysage, il semblerait plus opérant d’acquérir des fonds avant la coupe si les moyens d’achat le permettent.

« La seule solution, c'est que la commune ou des locaux, rachètent les fonds de feuillus, plutôt à nu, après coupe rase, quand leur valeur est retombée à 3000 F/ha (soit 450 €). La commune l'a fait ici. » Un maire.

« La mairie a acheté la forêt sur le dôme derrière l’église. 215 000F(soit 33 000 €) pour les 17 ha de hêtres, chênes, charmes. Il faut dire qu’en 1975, 200 personnes se sont mobilisées pour empêcher le traitement d’une jeune plantation de sapins au 245T.». Un élu du centre Morvan.

« A Lucenay, on a acheté un bout de colline, on le gère en régénération naturelle de feuillus. » Une habitante.

• Quelle alternative à l’enrésinement pour tous les vieux taillis à demi abandonnés ?
Quels garde-fous réalistes pourraient-ils éviter les excès apparus dans d’autres régions ?

Les reboisements font déjà l’objet de nombreuses réglementations : le code forestier les soumet à des plans simples de gestion, et nous disposerons bientôt de codes de bonnes pratiques sylvicoles, de règlements types de gestion. Le code de l’environnement, le code de l’urbanisme permettent de mettre en place une réglementation des boisements. Extrait d’une note du Centre Régional de la Propriété Forestière

« Vous savez, on commence à voir les premières coupes. Du Douglas, à 40 ans, ça peut faire 200 000 F de l’hectare(soit 30 500 €) ; ça ne va pas freiner la tendance ! Après tout, comment ils font, les Jurassiens, pour vivre avec leurs sapins ? » Un habitant propriétaire forestier.
« Beaucoup des taillis seront sans doute coupés à blanc et enrésinés. Le reste sera rebouché en résineux ? » Notes de l’atelier sud Morvan, oct 2000.

• Comment maintenir des couloirs de prés ou de feuillus comme respiration entre deux collines enrésinées ?
La progression des boisements sur les prairies de pente est une dynamique encore marginale mais dont l’évolution est à surveiller : certains villages et petits vallons risquent de se refermer par un enrésinement.

« Pour ça, mieux vaut du timbre poste de résineux que ces collines entières ». Une responsable associative


• Que faire du bois de feuillu ?
La valorisation directe du bois de pays est en perte de vitesse malgré les opportunités offertes par la rénovation du bâti traditionnel.
La promotion du chauffage au bois déchiqueté est l’un des axes de travail actuels du Parc Naturel Régional.

« Le dernier banc de sciage à Brassy a disparu vers 1990. Il y a encore un gars qui passe avec une scie mobile. » Un agriculteur.

« Si on ne se chauffe plus au bois des feuillus, on arrête d’entretenir le paysage ! Qui utilisera encore le bois des feuillus demain ? » Notes de l’atelier centre Morvan, oct 2000.

« Il faudrait indemniser ceux qui veulent garder du feuillu.» Un élu du centre Morvan

Comment sauvegarder des espaces de respiration ?

• Comment éviter les petits boisements qui referment les clairières, surtout à proximité d’une maison ?
Seuls quelques rares boisements ont été plantés en fond de vallon, mais leur impact visuel est alors considérable car ils cloisonnent fortement le paysage. C’est particulièrement fréquent lorsque des sapins de Noël non coupés basculent vers un petit bois de résineux.
Dans le Morvan des 400 m, les clairières, les crêtes et les fonds de vallées sont particulièrement concernés par cet enjeu.

« La mise en place d’un zonage agriculture-forêt est en cours dans le secteur de Lormes, Brassy. » Un élu du nord Morvan.

Quelles règles simples pour limiter les traumatismes ?

• Quels contrats imaginer pour que les chantiers respectent mieux le paysage ?

La priorité serait de limiter l’impact des coupes rases situées en forte covisibilité. Une coupe à blanc est souvent perçue comme une blessure mal cicatrisée pendant les premières années qui la suivent.
L’explosion de digitales et d’épilobes apporte une touche de couleur, en particulier lorsque la coupe est vue latéralement. Lorsque le versant est perçu frontalement, ces repousses ne peuvent masquer l’alignement rectiligne des andins des souches et des plantations.
L’autre atout paysager de ces coupes est la création de points de vue précieux dans les secteurs très boisés. Leur caractère éphémère et leur répartition aléatoire peuvent même constituer un atout, créant de l’imprévu dans un paysage globalement peu animé. Cet aspect pourrait justifier une adaptation de la répartition des coupes – en favorisant des formes en couloir pour créer des cônes de vue- et une mise en valeur, même par des moyens légers, des points de vues ainsi générés ; de nombreuses aires de dépôt des grumes, actuellement repoussantes avec leurs débris entassés et leurs grosses ornières d’engins, pourraient être requalifiées en points de vues provisoires. Dans ces cônes de vue, la replantation de feuillus caducs permettrait de retrouver une partie de la vue, et donc une fenêtre de repérage, en saison hivernale.

Par ailleurs, des aménagements touristiques en forêt peuvent rétablir une certaine accessibilité de ces forêts résineuses en valorisant les plus belles d’entre elles.
La mise en œuvre d’une sylviculture jardinée semblerait possible là où la régénération naturelle est dynamique, et où plusieurs générations d’arbres peuvent cohabiter. Cela semble envisageable dans les hêtraies, parfois possible avec le douglas et même avec le chêne et l’épicéa qui exigent davantage de doigté.

« Le douglas se régénère beaucoup dans les rochers ». Un forestier.

• Des élus pourront-ils se prononcer sur les plans de gestion forestiers ?
La gestion forestière a toujours échappé aux locaux. Les habitants non-propriétaires sont naturellement peu impliqués dans les décisions, mais même ceux qui sont propriétaires voient les retombées économiques se réduire.

« Hier encore, la forêt faisait vivre quelques bûcherons locaux. Maintenant ils font venir des débardeurs de l’Yonne, de Côte d’Or, qui massacrent les chemins et disparaissent comme ils sont venus. » Un habitant.

« La forêt ne fait plus partie de la vie économique du pays. C’est le profit à court terme qui commande. » Un habitant.

« Il faudrait permettre aux élus de se prononcer sur les plans de gestion forestiers. » Un maire du sud Morvan.


• Quel avenir pour l’éclaircie sélective des résineux ?
L’éclaircie résineuse repose sur une présélection des tiges à abattre pour favoriser les arbres restants. Elle préserve davantage l’aspect du massif que l’éclaircie systématique, qui consiste à supprimer un rang entier, sans discernement, afin de favoriser la croissance de ses voisins. Cette dernière technique est moins coûteuse et facilite l’évacuation des bois d’éclaircie par les couloirs ainsi créés ; elle est particulièrement répandue lors des premières éclaircies, dans les premières décennies après la plantation. Chaque rang abattu dessine de grandes stries rectilignes, précisément à un âge où les houppiers des arbres se rejoignaient et redonnaient une certaine unité visuelle au massif.
Chaque année, des milliers d’hectares de résineux font l’objet d’éclaircies résineuses sélectives en Morvan (source CRPF).

« Si on évitait les éclaircies systématiques, les forêts résineuses seraient belles à 20 ans. Mais ça revient cher. En 1999, je n'ai trouvé aucun bûcheron prêt à faire une 3è éclaircie (c’est-à-dire dans une forêt déjà bien constituée, des arbres adultes, NDLR) en sélectif. Si on pouvait même débarder à cheval… mais pour l’opération groupée d’abattage et de débarrassage du bois j'en aurais pour 170 F/m3 avec un cheval, alors que ce bois d’éclaircie ne se vend que 120 à 140 F bord de route (billons de 2.2 à 2.5 m, diamètre 20 à 30 cm). » Un forestier.

• Quelles alternatives aux modes d’exploitations et aux choix d’essences forestières ?
Statistiquement, la forêt morvandelle semble sortir d’une vague importante d’enrésinement systématique après guerre. L’enrésinement continue lentement, et l’extension forestière s’est presque interrompue.
On sort d’une crise d'adolescence. On commence à mélanger les essences, à pratiquer la forêt irrégulière. Les premiers boisements résineux arrivent à maturité. En 3è, 4è éclaircie, on a les premiers revenus. Ca motive pour faire des aires de dépôt, s'intéresser aux mélanges, à la régénération (naturelle). L'enrésinement se fait aussi par régénération: rien qu'en coupant le bois de chauffe, il suffit de laisser repartir douglas, épicéa, et parfois un peu de sapin pectiné. Un forestier.
Le boisement des terres agricoles (BTA) a été surtout après la guerre. Beaucoup de jeunes sont partis à Paris. Depuis, c’est surtout la conversion de feuillus en résineux. Bon, il y a aussi les sapins de noël qui n’ont pas été coupés. Mais quand ils retournent à la culture après exploitation, la DDAF ferme les yeux. Ca fait un genre de BTA inversible. Avec tout ça, les statistiques sont en retard sur la réalité. Un technicien agricole.

Les grandes coupes rases qui précèdent presque toujours un enrésinement semblent contredire ces statistiques. Les chiffres semblent en décalage avec le vécu …
« Les jeux sont faits aujourd’hui. De fait, on voit peu de dossiers de demande de nouvelles parcelles. Il manque des points de vues d'une colline à l'autre. Heureusement, il commence à y avoir des coupes rases… » un technicien forestier.

« Freiner l’enrésinement, oui mais comment ? D’ici 10 ans, 80% du massif sera enrésiné ? » Une responsable associative.

« Les statistiques ne recensent pas les boisements en timbre poste, les sapins de Noël qu’on laisse monter, les rangs de Douglas mal placés. » Un agriculteur.


• Quels modèles de pistes forestières ?

Parc naturel régional du Morvan, Maison du parc 58230 SAINT-BRISSON tél: 03.86.78.79.00