Atlas des paysages Parc Naturel Régional du Morvan Retouner à la page d'accueil

Les évolutions perçues

Les chantiers forestiers créent de larges ouvertures

• Les panoramas s’ouvrent et se ferment au rythme des coupes
Les coupes sont toujours des évènements pour le paysage local. Elles suscitent des perceptions antagonistes : ici, l’ampleur d’une coupe rase fait violence ; là, l’ouverture visuelle qui en résulte est largement appréciée.
Autour de Brassy par exemple, toutes les personnes rencontrées ont signalé, et localisé précisément, 3 coupes rases récentes qui offrent une vue panoramique.
La plupart des locaux, face à ce phénomène de coupe rase, témoignent par ailleurs d’un sentiment de désappropriation : la forêt privée s’achète et se vend dans des bureaux lointains qui échappent aux habitants et à leurs élus.

« Il faudrait limiter les grandes coupes rases ». Un retraité Morvandiau.

« Il y a des coupes de bois sur la route entre Lormes et Brassy. » Un riverain.

« La montagne a été achetée par un alsacien. Il a tout coupé, et revendu à un belge. »

« Les grands propriétaires, ils enrésinent. L’un des problèmes pour nous élus, c’est que nous ne connaissons pas les plans de gestion. » Un maire du sud Morvan



• La piste forestière s’impose
Plusieurs personnes ont évoqué les pistes forestières. Souvent fermées par des barrières, elles sont accusées d’accélérer le basculement vers le résineux. Les débardeurs oublient souvent de remettre en état pistes et chemins.

Dès qu’il y a une voie d’accès, cela déclenche la coupe rase suivie d’enrésinement. Un élu.
Les débardeurs oublient souvent de remettre en état pistes et chemins. Un élu.

Ici, les résineux gagnent le versant par petites taches

Les carrés de résineux révèlent la géométrie d’un cadastre très morcelé. C’est précisément ce morcellement qui freine l’enrésinement en empêchant l’acquisition de grandes unités foncières et la mise en place de voies de desserte. Le regroupement des parcelles trouve écho auprès de ceux qui possèdent plusieurs parcelles, mais la plupart des propriétaires ne possèdent qu’une seule parcelle : la seule issue est alors d’attendre que se présente une opportunité de rachat par l’un des joignants.

Ces versants de micro-parcelles forestières résultent souvent de la mise en valeur agricole de la fin du XIXe. Il s’agit alors généralement de sols ingrats, et de taillis peu productifs. Leur histoire est liée à l'abandon du seigle et du sarrasin sur les terres de lande vers 1860-70, qui a entraîné un enfrichement des replats en haut des pentes tandis que les meilleures terres étaient conservées à l'agriculture. L’ensemble de ces terres est aujourd’hui couvert de que le forestier qualifierait de maigres. Les enjeux y sont donc bien différents des taillis « historiques » du nord Morvan. Ces derniers, installés sur des terres plus fertiles et sur des versants mieux arrosés, ont une productivité bien supérieure qui a été exploitée du temps du flottage.

Un exemple : L’enrésinement en petites parcelles géométriques très visibles sur les coteaux raides vers le village de Sommant.

Les gros propriétaires forestiers s'intéressent peu à ces petits lots, ce qui explique que l’enrésinement semble hésiter et trouver une forme d’équilibre avec les carrés de feuillus. Ces petites parcelles, qui restent la propriété des familles d’agriculteurs, constituent souvent le premier front de forêt autour de la clairière.

« La charte du Parc Naturel Régional encourage l’effort de desserte forestière. La politique nationale en faveur des regroupements fonciers a été renforcée par la loi d’orientation forestière de juillet 2001. Le département de la Nièvre par ailleurs encourage l’acquisition de parcelles contiguës. » Note du CRPF

« Il y a un marchand de bois qui achète même les petits lots de 1 ha : comme il a beaucoup acheté de grands bois par ici il cherche maintenant à rentabiliser ses équipes. 1 Ha de feuillus, ça part autour de 10000F (1 500 €). Il commence par l’exploiter comme bois de trituration, il récupère un peu de bois de sciage ; ensuite, il enrésine. » Un maire.

Là encore, avec les résineux, tout un versant s’uniformise

Où que l’on regarde, le paysage est dominé par une crête boisée. Autrefois moutonnante, cette dernière est aujourd’hui hérissée en dents de scies par les houppiers de sapins douglas. L’enrésinement des coteaux est très exposé aux regards.
Certains accusent l’enrésinement d’assécher les sources.

Quelques exemples :
Au dessus de Ménessaire : coupe à blanc sur le coteau.
Sur les piedmonts : Bois de Bazoches depuis Athée, Empury ; Bois de Prémoux, avec son enrésinement par bandes.

« On a beaucoup enrésiné. Le pire c’est au-dessus d'Arleuf ». Une responsable associative.

« L’inscription « NAUDET » sur la colline : ça se discute ! C’est un clin d’œil, un repère, mais c’est une prise de pouvoir sur le territoire. »

« L’enrésinement c’est la banalisation, l’appauvrissement en espèces mais aussi en âges ; il n’y a plus qu’une strate. Plus de richesse, plus de fouillis, plus de couleurs, de formes en grosses boules. Rien que des alignements. » Un habitant.

« C'est mauvais pour les sources, la flore, la faune, le climat. Le problème, c'est que ça acidifie les sols. La neige reste sous les sapins, et elle se sublime. Ca fait ça de moins pour les sources au printemps. » Un élu du centre Morvan.

« On a enrésiné 100 ha de feuillus sur un versant, au-dessus d'un captage. Il fournissait 30 l/mn; depuis, il ne fournit plus que 8 l/mn. » Un maire.


La vague des grands enrésinements semble passée aujourd’hui. Les statistiques ne restituent pourtant pas la perception quasi unanime des personnes rencontrées. Même si l’explosion des surfaces enrésinées est bel et bien derrière nous, les arbres grandissent ; 10, 20 ans après la plantation, leur ombrage s’impose dans le paysage. Et l’enrésinement, malgré tout, continue de grignoter les vieux taillis.

« Les demandes d’autorisation de boisement chutent en Saône-et-Loire. En 1995, on traitait 80 demandes par an ; on n’en traite plus que 20 cette année. » Un technicien forestier.

« L’enrésinement progresse. Notez bien : dès la révision de la charte en 1979, le PNR avait donné un avis sur l'enrésinement. » Un élu du nord Morvan.

« Entre Autun et les Settons, d’année en année, les sapins remplacent les parcelles. » Une habitante du centre Morvan.

« L’enrésinement progresse. Les gens disent « on a mis des sapins à notre porte » Une responsable associative.



• Le sous bois s’appauvrit
Certains voient des avantages à l’évolution récente. D’autres en prennent acte, conscients qu’elle est inexorable au même titre que la disparition des haies « plechées » ou, plus anciennement, la multiplication des parcelles de sapin de Noël.
Moi, les bois résineux, je suis bien content d’aller y chercher des cèpes.
L’enrésinement reste pourtant motif d’inquiétude pour nombre d’habitants et propriétaires de résidences du Morvan.
Les problèmes apparaissent surtout lorsque l’enrésinement s’impose de façon massive au lieu de s’adapter à l’environnement pré existant, et lorsque les plantations denses et sombres font fuir la vie du sous-bois. Le promeneur, à la recherche de ses racines, va alors se heurter au sylviculteur, pour qui culture rime avec récolte et juste rémunération du travail accompli. P. Riou-Nivert, Les Résineux, IDF 1996.

• La traversée du massif résineux s’allonge
La forêt se traverse par la route, le chemin pédestre ou la piste forestière. De nombreux points de vue disparaissent.
Autrefois les versants au-dessus des hameaux étaient ouverts comme en témoignent certaines photographies anciennes. La progression des boisements risque à terme d’enfermer petit à petit les habitations dans un carcan.
Il faut noter qu’en forêt, les avis peuvent différer ; Lors des entretiens, nous avons parfois passé du temps à confronter des avis concernant des routes forestières.
Certaines routes très forestières semblent perçues comme belles pour leurs futaies ou parce qu’elles ménagent des respirations rassurantes : quelques points de vue (St Martin - Plainefas), quelques traversées de villages (Chalaux).

Pour d’autres, les tronçons routiers ne comprenant absolument aucune ouverture apparaissent étouffants, fermés : impossibilité d’apercevoir une ligne d’horizon, absence de fenêtre ouverte, même ponctuelle pour prendre une bouffée de « respiration » paysagère..
La traversée des forêts feuillues est animée par la diversité des lisières où joue la lumière.

« Les grands sapins, c’est une vraie cathédrale. Ils sont grands, l’air est ouaté, c’est plein de mystère. » Un habitant.

« La forêt mystère, c’est aussi celle des sorcières ». Une habitante.

• Les lignes géométriques du parcellaire strient les versants

Dans la dorsale boisée où le manteau forestier s’étale au regard sur de grandes pentes, l’enrésinement est particulièrement lisible. Le taux de boisement dépasse 75 % dans le secteur, et atteint 100% sur la plupart des pentes. Lignes géométriques, confrontation brutale des lisières, coupes rases marquent le paysage d’un langage lié à l’exploitation rationnelle.

En particulier : les coteaux de la Cure, de la vallée du Cousin, ceux entourant le lac de Saint Agnan.

• L’horizon des crêtes change d’aspect

Ceci est surtout sensible dans le Morvan des 400 m où l’ondulation des crêtes boisées dessine la ligne d’horizon.

« Autrefois, toutes ces buttes, c’étaient des rondeurs féminines. Regardez à quoi ca ressemble maintenant : rien que des lignes de crêtes d’Iroquois, toutes masculines ». Un habitant de Lormes.

Parc naturel régional du Morvan, Maison du parc 58230 SAINT-BRISSON tél: 03.86.78.79.00