Atlas des paysages Parc Naturel Régional du Morvan Retouner à la page d'accueil

Le hameau

Panorama

LE HAMEAU-CLAIRIERE COMME UN ILOT DANS UN OCEAN DE FORET

Plusieurs auteurs ont largement décrit cette spécificité morvandelle qu’est le hameau-clairière:

C’est ce qui a tenu isolés ces petites fermes ou ces hameaux entre leurs sentiers couverts, leurs ouches ou petits terrains de culture aux abords des maisons, leurs haies d’arbres et leurs ruisseaux. Le contraste était grand entre cette dissémination et les bourgs agglomérés des pays calcaires; moins frappant toutefois encore que celui qu’offrait l’aspect des maisons. Privée de la belle pierre de taille qui imprime même aux plus humbles demeures un air d’aisance, la vieille maison du Morvan, celle que les progrès actuels de la richesse font chaque jour disparaître, mais qu’on retrouve encore çà et là, a un aspect informe et sauvage. Basse et presque ensevelie sous son toit de chaume, elle dit ce que fut longtemps la condition de l’homme dans ce pays arriéré de terres froides, pays de loup, a dit un de ses enfants. De grandes routes pouvaient le traverser, mais rien n’y attirait, rien n’y fixait; Il fallait en sortir pour s’élever à un mode meilleur d’existence. » Vidal de la Blache.

Ce hameau-clairière reste aujourd’hui encore l’échelle de perception fondamentale de perception du paysage, aussi bien pour les habitants permanents que pour les résidents secondaires.

Brassy, c'est 20, 25 hameaux. Certains sans paysan, comme Porc Mignon.
Hier il y avait 5-10 paysans par hameau. L'idéal, ce serait un paysan par hameau, avec sa butte de 70, 100 ha. Chacun nettoie sa butte. Un agriculteur.

LE TOIT D’ARDOISE

Le semis de toits bleus noyés dans un océan de verts est caractéristique du Morvan. Hier, les toits étaient en chaume. Progressivement depuis 1900, le chaume a été remplacé par l’ardoise et ici ou là par la tuile.
Cette ardoise grise, c’est l’ardoise de Savoie. Elle est de mauvaise qualité, elle ne vaut pas l’ardoise d’Angers, mais le Morvandiau n’est pas riche. On voit aussi des tuiles.
Un résident du Sud-Morvan.

LES VOISINS

Presque tous les hameaux, aujourd’hui, juxtaposent quelques résidences secondaires, quelques personnes âgées ayant vécu sur place, et une ou deux exploitations agricoles.
Cette juxtaposition facilite de multiples arrangements entre voisins, et en particulier entre le résident secondaire et le résident permanent.
Lorsque des constructions nouvelles apparaissent, cependant, le hameau prend vite un aspect disparâte.

« Ici au hameau, il y a six résidences secondaires. Dont un couple qui va peut-être venir y habiter en principal ? Les autres ne sont là qu’en été, et quelques week-ends.
Sinon, il y a 2 vieilles filles, avec leur ouvrier agricole, qui est en couple avec l'une d'elles. L'autre est décédée. Et puis nous, les 3 jeunes du Gaec.
Après, à 1 km de là, tu trouves d’autres exploitants. Là par exemple, le fils a repris.
Après, c’est les copains, il faut tout de suite faire une demi-heure d'auto. Ce sont tous des néos, comme nous. On est content de les savoir là. Ils apportent l'ouverture ».
Une agricultrice « néo » originaire de l’Yonne.

« On a 5500 m2 de terrain. On s'est longtemps arrangés avec un agriculteur. Il posait une clôture électrique, y mettait ses bêtes. On leur donnait à boire quand on était là, et on lui donnait du bois en échange. Mais cet agriculteur s'est arrêté. On se retrouve obligés de tondre tout ça ». Un résident secondaire

« Visez ici le style « bord de lac » ! Il n’y a aucun lien avec le paysage environnant. Les gens ont dû construire du temps où ils avaient vue sur le lac. Depuis, les arbres ont poussé, et ça s’est refermé ». Notes de l’atelier transversal aux Settons.

LES HAMEAUX EN 1840

Marcel Vigreux a relevé l’importance des hameaux en 1840. Il différencie les bourgs, les hameaux et les écarts (maisons isolées) dont la distribution fait la spécificité de chaque commune.

« L'originalité sociale et politique du Morvan tient à la structure en hameaux et en ce sens, c'est au modèle limousin de Corbin qu'il se rattache. Le hameau et la mentalité bien typée de ses paysans sont des problèmes fondamentaux que nous avons été, finalement, amenés à poser et à tenter de comprendre. (...) On retrouve là la dominante dégagée par P.Barral, l'opposition entre les «hiérarchies rurales» correspondant aux zones de grands domaines aux mains d'une ancienne noblesse, et les « démocraties rurales » de tous petits propriétaires exploitants, vivant dans des hameaux parfois énormes, plus ou moins isolés au milieu de vastes forêts ».
Extrait de < Paysans et notables du Morvan au XIXè siècle jusqu'en 1914 >, Marcel Vigreux, 1998 , p21.

« À côté des petites et moyennes communes à habitat relativement groupé ou semi dispersé, ces grosses communes se caractérisent par une très forte dispersion de l’habitat, en écarts ou en hameaux: une vingtaine de communes en comptent entre 12 et 18; une douzaine entre 20 et 30 comme Quarré-les-Tombes, Saint--Léger-Vauban. La Roche-en-Brenil, Saint-Léger-de-Fourches, Roussillon ou Chid-des; quatre communes ont entre 30 et 35 écarts (Alligny-en-Morvan, 32; Château-Chinon-Campagne, 31; Millay, 30; Cussy-en-Morvan, 30; cinq communes — Ou-roux, Moux, Arleuf, Villapourçon et La Rochemillay — ont plus de 35 écarts; trois en comptent plus de 40: Brassy 49, Anost 52, La Grande-Verrière 54.
Dans ces écarts, se concentre la plus grande partie de la population. Une trentaine de communes seulement (les cinq villes mises à part) comptent moins de 50 % de leurs habitants dans ces écarts. En revanche, dans la majorité, c’est-à-dire les soixante et une autres qui sont les plus vastes, plus de la moitié des habitants vi-vent hors du bourg. Dans vingt-sept d’entre elles, les écarts détiennent plus de 75 % de la population. Dans onze communes, 90 % des individus vivent dans les écarts; ce sont: Saint-André-en-Morvan, Château-Chinon-Campagne, Arleuf, Villapourçon Anost, la Grande-Verrière.
Excepté les chefs-lieux de canton, qui ne sont pas toujours les plus peuplés, les gros bourgs sont peu nombreux dans les grandes communes du Morvan central, du Haut-Morvan et du Sud: on peut seulement citer La Roche-en-Brenil, Ouroux (93 maisons au bourg sur 429), Dommartin, Montreuillon qui a “le bourg le plus considérable et le mieux bâti de tout le canton” et Roussillon, dont “le chef-lieu se compose d’une agglomération assez considérable de chaumières. En revanche les écarts y sont très populeux. Mais il faut distinguer entre deux types d’écarts: les maisons isolées et les hameaux. Les premières sont beaucoup plus nombreuses dans le Sud qu’au centre: ainsi à Semelay, Onlay, Saint-Honoré-les-Bains, Chiddes, Millay, La Rochemillay. La Comelle et même La Grande-Verrière, où la population dispersée se répartit entre une trentaine de hameaux et 24 écarts. De même, dans la vallée de Saint-Hilaire, les écarts l’emportent sur les hameaux.
Ceux-ci, en revanche, dominent dans les grandes communes du Morvan intérieur, qui n’ont pas toujours un centre: par exemple, Gâcogne ou Mhère ont seulement une dizaine de maisons au bourg, signalé seulement par l’église, Montsauche, Planchez, Arleuf, Anost, Cussy, Villapourçon, dont le bourg n’a qu’une douzaine d’habitations, Saint-Léger-de-Fourches, dont “le chef-lieu est composé seule-ment de cinq ou six habitations”. En revanche, les hameaux y sont souvent énormes: beaucoup approchent ou dépassent la centaine d’habitants — population actuelle de nombreuses communes du Morvan! Illustrons le phénomène par des exemples: dans l’Yonne, la commune de Saint-Germain-des-Champs compte trois hameaux dépassant 80 habitants (Lautreville, Montigny et Ruissotte), deux 120 (Le Meix et Montmardelin); à Saint-Léger-Vauban, le Bon Rupt atteint 70 person-nes, Trinquelin et Ruères comptent chacun 170 habitants et le bourg est dépassé par le hameau de Montois peuplé de plus de 200 individus. Dans la Côte d’Or, on relève de gros hameaux, comme Montachon à Saint-Didier, Villars à Liernais, Island à Saint-Martin-de-la-Mer. En Saône-et-Loire, citons les hameaux de Se-navelle (80 habitants) à la Grande-Verrière, et soulignons l’énorme popula-tion du Chézet à Roussillon (300 habitants) et de Bussy à Anost (420 habi-tants: le plus gros hameau du Morvan). Dans les grosses communes nivernaises, on n’a que l’embarras du choix, et trois exemples suffiront: à Saint-André-en-Morvan, deux hameaux, Athée et Villurbain comptent 300 habitants chacun; à Ouroux, sept hameaux dépassent la centaine d’habitants chacun et trois comptent deux cents personnes — Savault., Poirot-Dessus et Montpensy ; à Planchez, le hameau de La Chaise est beaucoup plus important que le bourg: Baudiau y calcule plus de 200 feux.
Quelques cas particuliers illustrent à la fois la très forte densité de population dans les hameaux du Morvan et la place incontestable tenue par ces véritables “villages” dans la vie morvandelle du XIXe siècle: trois gros hameaux sont divisés en deux par les limites communales, ceux de Montcimet, que se partagent les commu-nes de Cussy-en-Morvan et d’Anost, de Plainefas, divisé entre Saint-Martin-du-Puy et Brassy, de Bonin, dont une partie dépend de Montsauche et l’autre de Brassy.
Le quatrième cas est celui du hameau des Garriots (commune de Préporché), issu d’une ancienne communauté taisible, la dernière en Morvan, qui s’est divisée en 1837.
Ces nombreux exemples de hameaux puissants dans les grandes communes mon-trent la vitalité de ces “villages-clairières” où s’est concentrée, puis développée, au XIXe siècle, une population agricole qui a formé autant de petites cellules isolées par le relief ou la forêt, composant chacune un monde à part et qui écrase, par son nombre, la population urbaine“.
Extraits de « Paysans et notables du Morvan au XIXe siècle jusqu’en 1914 », Marcel Vigreux, 1998.

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