Atlas des paysages Parc Naturel Régional du Morvan Retouner à la page d'accueil

La haie

Panorama

LA LIGNE QUI DESSINE LES COURBES DU RELIEF

Les lignes des haies mettent en évidence de façon extraordinaire le relief du Morvan. C’est particulièrement remarquable sur les paysages de piedmont, où la présence forestière est moins forte et où le bocage reconquiert une partie des crêtes des collines. C'est le paysage emblématique du Morvan.
Quand le maillage de haies se fait trop lâche, il ne permet plus de lire clairement le paysage de collines: le paysage devient alors plus banal.

LA HAIE DONNE SON UNITE AU PAYSAGE

Même un rapide parcours dans le Morvan permet de s’en rendre compte: les haies accompagnent routes, chemins, limites parcellaires, fossés, abords des hameaux et des villages. La présence systématique des haies donne ainsi une grande cohérence au paysage. Elle permet également une insertion aisée de tous les nouveaux ouvrages ou bâtiments dans le paysage.

LE JEU DE L’OUVERT ET DU FERME

La haie ouvre ou ferme le paysage, le point de vue, selon la façon dont elle est conduite. Ainsi dans le Morvan alternent des routes et des chemins aux ambiances contrastées: tantôt couloir enserré entre deux haies hautes, puis en balcon avec une haie basse laissant découvrir le paysage en contre-bas.

Le bocage se décline en plusieurs ambiances :
* Chambres, plus ou moins grandes, ceintes de haies hautes (strate arbustive et strate arborée) et menacées d'être absorbées par l'avancée de la forêt sur les terrains les plus accidentés;
* Larges prairies ondulées sur lesquelles un réseau de haies taillées basses dessine les limites de parcelles et accompagne les rigoles. C'est le paysage emblématique, par exemple, du Pays du Beuvray.
Quand le maillage de haies se fait trop lâche, il ne permet plus de lire clairement le paysage de collines: le paysage devient alors plus banal.

LES ESSENCES DE LA HAIE

· Dans le Morvan au sol acide :
Strate haute: châtaignier, chêne, merisier, frêne.
Strate basse: Charme, noisetier, prunellier, aubépine, houx,
Le houx, c’est l’idéal comme haie, parce que ce n’est pas appétant. Le noisetier, c’est moins fiable. Il est attrayant pour les vaches qui le broutent.
· Dans les franges calcaires du Morvan :
Strate haute: chêne, noyer, pins, poiriers.
Strate basse: cornouiller, érable champêtre, sureau rouge, troène, fusain, prunellier, Buis.

LA HAIE PLESSEE

Cette technique de gestion des haies est plus fréquente autour du Mont-Beuvray que dans tout le reste du Morvan. D’un point de vue paysager, elle apporte une finition d’une grande qualité au paysage. Cette technique n’est pas sans évoquer les vanneries des parcs du Moyen-âge, remise en vogue dans les parcs contemporains.

« Les haies sont notre fierté, avant il y en avait plus, mais les parcelles étaient trop petites. L'agrandissement des parcelles en a fait disparaître beaucoup, mais celles qui restent maintenant sont gardées et entretenues.
Autrefois, on entretenait les haies en les plessant, maintenant on les taille mécaniquement.
Les bêtes sont dehors du 1er avril au début du mois de décembre : les haies sont un confort contre le vent, l'hiver et contre le soleil, l'été." Millay, un éleveur-naisseur de charolais sur 80 ha cité dans D Verlynde 1995.


« À propos de l'entretien de bouchures, P. Notteghem me fait remarquer une différence radicale entre la haie brionnaise et la morvandelle. Dans l'Autunois, pays de petite propriété en faire-valoir direct et qui fait naître, on l'a vu, les bovins qui se "finiront" en Brionnais, la facture est extraordinairement soignée : Plessage méticuleux avec une tresse de branches souples par dessus pour parfaire l'ensemble. Pas de "pliage" au contraire en Brionnais, mais un simple "bourrage" avec les branches taillées. Les gens du Morvan mettraient (ou auraient mis) leur fierté dans le travail de la haie plus encore que dans les soins apportés au bétail, au point, dit-on, qu'un bon éleveur s'y reconnaîtrait à la manière dont il "soigne sa bouchure".
Etudes rurales n°129/130 Bernadette Lizet.

LES NOMS DE LA HAIE

Bouchure : dénomination de la haie à l’est d’une ligne Morvan/Massif central, qui désigne une haie clôture bien fournie en strate buissonnante basse. Extrait de « l’entretien courant des haies » IDF.
« La bouchure : " Qui embouche, bouche", dit le proverbe bien local, dense et sobre. Boucher, c'est fermer par une haie vive (la bouchure). Il ne faut pas confondre "boucher" et "barricader" qui consiste à faire une barrière sèche à l'aide de grandes perches de frêne. »
Etudes rurales n°129/130 Bernadette Lizet.

Brosses : haies basses taillées « au carré » sur leurs trois faces.
Plesses : haies plessées. Synonymes : pièches, plessies, haies tressées, trasses, tresses. Le terme trasse, probablement issu de la même racine que le verbe « tresser », est surtout usité vers le Bazois.
Queules : vestiges de plessages très anciens.
Piant : haie , bouchure. Piant sec : haie sèche, piant blanc : aubépine, piant noir : prunellier

LA HAIE D’EMBOUCHE

Les tiges pliées qui hier assuraient l’étanchéité de la clôture sont largement remplacées par quelques rangs de barbelé au cœur de la haie. On parle de barbelé « clôté dans la haie ». Cette mutation s’est progressivement, par tronçons, au rythme des anciens chantiers de nettoyage radical de rajeunissement des « trasses ». Le barbelé est "avalé" par l'épine qui repousse autour.
Ce système connaît des variantes. Sur les haies bien développées, il est courant de clouer un rang de barbelé de chaque côté d’un cœur de haie. Le sacrifice de surface est plus important, la haie étant large, mais cette technique s’avère plus aisée et plus efficace.
Ce type de haie semble étroitement lié à l’élevage allaitant. Celui qui augmente les terres mises en culture est amené à le remettre en cause.

« La première fois qu’on reprenait les anciennes plesses, souvent on faisait ça au broyeur. On dégage le plus possible avec l’engin, les branches sur les côtés, et on clôte 1 ou 2 rangs de barbelé sur les troncs. Après, à mesure qu’on la taille, la haie reprend du corps. »
Un agriculteur du centre Morvan.

« Entre deux prés, au moment où la haie est nettoyée, on clôte 1 ou 2 rangs de barbelé dans la haie, souvent deux rangs de chaque côté. On laisse s’épaissir en taillant progressivement de plus en plus épais. En faisant comme ça, elle reste bonne 20, 30 ans. On évite juste d’avoir deux taureaux côte à côte, ou bien on y rajoute une clôture électrique. » Un éleveur.

« Ces haies, ça tient tant que tout le monde élève des vaches à viande. Il y a régulièrement des petits incidents, une vache passe à travers, dans le foin du voisin… Mais y’a pas de problèmes, on s’entend. Tandis que là par exemple, il y a un maïs à-côté d’un pré, il faut renforcer la clôture où il va y avoir du dégât. Ça oblige à supprimer la haie pour remettre une clôture plus fiable. »
Un agriculteur.

LA MITOYENNETE

La plupart des haies d’embouche ont été constituées et gérées en mitoyenneté. Jusqu’au milieu du Xxe s, cette mitoyenneté codifiait précisément les devoirs de chacun, mais aussi les droits de récolte du bois. La perte de valeur du bois des haies tend à rendre caducs à la fois droits et devoirs des mitoyens de la haie.
Aujourd’hui encore, la plupart des haies conservées sont en limite de propriété : à mesure que chacun regroupe des parcelles, il tend à supprimer les haies de recoupement, ou à laisser les animaux les détruire progressivement.

« Quand la haie est mitoyenne, personne n’y touche. » Un éleveur.

« La mitoyenneté, hier, c’était strict. Sur une haie haute, les deux voisins tombaient le bois ensemble et se le partageaient. Ils se partageaient aussi les frais de pose de la clôture. » Un éleveur du sud Morvan.

« Quand on veut la supprimer, on la coupe et on la dévitalise en passant dessus un mélange sur les repousses au début de l’été suivant. Par exemple un mélange de Round Up et de Garlon ». Un agriculteur.

« Les haies conservées sont souvent en travers de pente, mais elles sont de plus en plus discontinues. Quand elles sont comme ça, sont-elles encore utiles? » Un élu de l’Avalonnais.

L’ENTRETIEN COURANT

Les haies de bouchures sont taillées annuellement au broyeur épareuse. Le passage de l’outil change l’aspect du paysage : plus sauvage -certains diront négligé- avant, et plus « propre » après. Ce « nettoyage » débute dès juin en bord des routes, et se prolonge fin août – septembre dans les prés.
Les communes ont couramment une facture de broyage de 100 000 F par an.
L’outil travaille sur environ 1,20 m de large. Le raisonnement de l’agriculteur se fait par côté car dans la plupart des cas, chacun n’entretient que son côté de mitoyenneté. Le nombre de passes est de 3 à 5 passes par côté, soit 2 heures par kilomètre. Si l’on raisonne par kilomètre de haie taillée dans le paysage, il faut globaliser les deux côtés : 5 à 10 passes par kilomètre de haie, soit 3 à 4 heures par kilomètre de haie au carré.

« On fait une première passe au broyeur en biais, pour voir ce qu'on fait, surtout bien voir où sont les piquets et les fils. Ensuite on fait le haut (1 passe, parfois 2), puis le flanc (2 passes, parfois une), et on termine par le sol (une à deux passes), en broyant en même temps toutes les petites branches. Sur ma ferme, je compte 100 heures de broyeur par an; je ne fais pas que des haies, mais l'essentiel est consacré à broyer les haies de tours de champs. Ça doit faire pas loin de 50 km (sur un côté) taillés chaque année. » Un éleveur du nord Morvan.

« Chacun a son broyeur. On nettoie en septembre. Les chemins, on fait les 2 côtés, y compris les communaux, sauf les routes. Pour les sentiers GR, on touche une rémunération du parc et de l'Europe ». Un éleveur de l’ouest Morvan.

LES ROLES DE LA HAIE

Cloisons et murs porteurs
Toutes les haies ne jouent pas le même rôle dans le bocage. À l’instar des murs d’une habitation, il est possible de différencier les murs porteurs qui jouent un rôle structurant dans la construction et les cloisons qui servent au découpage intérieur des pièces. Dans le bocage, certaines haies jouent un rôle structurant : haies anti-érosives parallèles aux courbes de niveau, haies brise-vent, haies séparant des parcelles dont les natures de sol sont différentes… Ces haies sont essentielles dans le fonctionnement de l’agro-écosystème bocager.
D’autres haies n’ont qu’une fonction de redécoupage interne des parcelles : découpage lié aux partages lors de successions, ou à l’adaptation de la parcelle aux outils de travail.

Parc naturel régional du Morvan, Maison du parc 58230 SAINT-BRISSON tél: 03.86.78.79.00