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Le bourg en fond de vallée

Une diversité d'implantation

Les groupes bâtis du Morvan implantés dans les fonds de vallée ont de multiples facettes , en fonction de la topographie (vallée, vallons, plaine) et de la situation qui en a fait des lieux d’échanges (routes rayonnantes). Plusieurs types apparaissent :
- des groupes bâtis situés dans des vallées couloirs, proches de l’eau, parfois à la confluence de vallons.
- des groupes bâtis situés au pied des reliefs du Morvan boisé ou central au niveau de l’entrée dans un vallon, depuis une plaine ou des piedmonts. Par exemple au niveau des reliefs de la Marche boisée ou de la fin de la Plaine d’Autun.
- des groupes bâtis dans un paysage plutôt plat (Plaine ou vallée ouverte) où le cours d’eau fait partie de la composition urbaine et où les maisons touchent l’eau (Saint-Père).
Certains points communs généraux se dégagent pourtant :

Un habitat groupé en pied de versant, à proximité du cours d’eau

Les groupes bâtis sont situés dans les fonds de vallée: sur le début des pentes en pied de coteaux, adossés au relief ou dans le fond plat de la vallée. Les maisons sont regroupées à proximité du cours d’eau mais rarement au contact direct avec celui-ci, pour se prémunir des crues, sauf parfois en marge du Morvan. . Les éléments construits qui jouxtent directement l’eau sont ceux qui l’utilisent : moulins et lavoirs.

La traversée du cours d’eau : un pont remplace le gué

Ces villages ou hameaux constituent de points de passage obligé pour franchir la rivière. Le pont constitue un élément architecturé depuis lequel l’axe du cours d’eau est bien visible. Des places ou des points d’arrêts ou de stationnements sont bien souvent présents aux bords directs du pont.

QUAND DES AUTEURS PARLENT DES BOURGS DE VALLEE

Extrait de « Histoire de la campagne française » de Gaston Roupnel, 1932, Grasset. Page 164 et Pages 275 à 279

(…) on peut distinguer deux types de villages originels : village de vallée, village de hauteur, auxquels correspondent nécessairement deux campagnes de type différent.
Les villages établis au bord des eaux, au pied des collines, aux lieux où la vie humaine pouvait s’entretenir de la double activité de la chasse et de la pêche, ont créé une campagne dont la forme a correspondu au site irrégulier où ils siégeaient.
Presque toujours ces villages des rivières sont situés à des carrefours de vallées. Leur territoire agraire s’adapte alors à l’ampleur qui lui est offerte. Tantôt, c’est la vallée principale largement déblayée par les eaux, qui suffit à le contenir. C’est particulièrement le cas lorsque s’offrent ces terrasses alluviales, qui sont par excellence le lieu propice à l’établissement des habitats et des cultures. Tantôt, au contraire, cette vallée principale s’est sur creusée entre des rives étroites; et c’est alors dans la vallée affluente, aux eaux moins abondantes et d’un relief au modelé moins violent, que l’homme a étendu le champ de son agriculture. Tantôt enfin, la confluence des deux vallées a engendré le vaste amphithéâtre de pentes et de terrasses où se déploie une riche et complète campagne. Mais, de toute façon, ces clairières culturales de vallées s’entourent presque toujours de talus boisés ou de crêtes buissonneuses qui en arrêtent les contours, tandis que dans le fond des vallons, le territoire cultivé se prolonge par de sinueuses annexes de plus en plus rétrécies.

LE VILLAGE DE VALLEE
Les eaux des cours d’eau ont pourtant exercé sur le développement des agglomérations humaines une influence encore plus précoce sans doute, que celle des sources. Depuis les temps les plus anciens, les rivières, dont rien n’avait encore souillé l’onde, ont fixé sur les bords de leurs eaux poissonneuses nombre d’établissements humains et tous les plus importants. C’est de ces villages de pêcheurs et de chasseurs qu’est parti l’essor d’une civilisation pastorale et agricole. Clairières culturales et territoires agricoles se sont élaborés en prenant maintes fois leur appui et leur départ sur ces villages archaïques. En général, la vie agricole n’a donc pas vraiment à rendre compte de l’établissement des villages ripuaires? Mais ils sont disposés pour exploiter les avantages et les ressources du cours d’eau. Presque toujours leur site correspond à la fois à un ancien gué et à une courbe de la rivière. Les deux choses sont en effet souvent associées ensemble. C’est à la sinuosité que se façonne le gué. Le courant, ralenti après avoir heurté et érodé une rive concave, laisse presque aussitôt déposer les débris dont il vient de se charger. Le plus souvent aussi, la courbe correspond à une entrée de vallon. Au sommet de la courbe en effet, le niveau de base s’avançait, pénétrait dans le plateau, venait solliciter les eaux, qui, devenues actives et travailleuses, creusaient et affouillaient un vallon. Le village ancien se trouvait ainsi au point de vie de la vallée, à la fois en face du gué qui permettait de franchir la rivière, et au débouché du vallon qui donnait l’accès aux plateaux.
Quant au site même du village, il est à remarquer qu’en général il ne s’établit pas sur le bord même du cours d’eau. Il se fixe plutôt dans son voisinage immédiat, sur des pentes modérées où il est préservé des crues, tout en conservant l’accès facile à la rive.
Cet accès facile, le village archaïque, le village des pêcheurs, ne l’avait pourtant pas toujours. Ses habitants- n’en éprouvaient pas la nécessité. La simple proximité des eaux et un raide sentier pour y descendre leur suffisaient. Ils recherchaient surtout les sites accidentés, les escarpements qui surplombent une courbe de la rivière et par conséquent l’entrée d’un vallon.
Plus tard, le village eut à s’adapter aux conditions de la vie pastorale et agricole. L’adaptation fut aisée. Le village n’eut qu’à descendre de son site rocheux vers les pentes plus douces, vers ces terrasses qui encadrent l’entrée du vallon. Beaucoup de nos villages présentent ainsi le double aspect d’un groupe essentiel situé au débouché d’une vallée affluente, et d’un faubourg vieillot accroché aux escarpements de la rivière, et qui y persévère comme un témoignage des très lointaines origines.
Ce faubourg nous étonne souvent par l’étroitesse de ses ruelles et l’exiguïté de son assiette. Le village archaïque qu’il représente et continue eut plus le souci de se resserrer que de s’étendre. Mais l’importante agglomération agricole qui s’y adjoignit par la suite, et qui forme le groupe essentiel actuel, ne profita pas beaucoup davantage des facilités de son site nouveau. Elle s’adapta moins, en effet, à ces pentes amples et à cette rive aisée qu’au débouché unique.
Ce débouché, c’était le gué; plus tard ce fut le pont. C’est vers ce point, qui donnait le passage, que le village orienta toutes ses voies intérieures. Aussi, le plus souvent, le village ripuaire présente tout un système de ruelles ingénieusement agencées, pour réunir sur un centre toute la circulation dispersée qui vient des campagnes. Il réalise ainsi ce type d’agglomération rurale d’un vieillot aspect urbain.
Mais évidemment le village est dans la dépendance de cette campagne, et il est en fonction de l’expansion qu’elle a pu trouver. Il dépend par conséquent de l’ampleur de la vallée affluente. C’est dans le vallon dont il garde l’entrée que l’ancien village put s’aménager un territoire agraire. Et souvent cette vallée, qui fut le lieu des premiers labours, lui donna l’accès aux vastes terres fertiles et sèches du plateau.
Seuls, ont pu participer à l’activité agricole, et par conséquent seuls, se sont maintenus et nous intéressent, les villages ripuaires situés aux entrées de vallées confluentes, ou sur des pentes adoucies propices à la vigne et aux cultures. S’il exista d’autres agglomérations ripuaires établies dans des conditions plus précaires, sur des pentes sans accès aisé, sur des rives sans débouchés faciles, elles disparurent sans laisser de traces ou ne subsistèrent que par suite de circonstances exceptionnelles.
On entrevoit maintenant les conditions qui ont agi pour déterminer la forme et le caractère du village ripuaire. Il dépend à la fois du cours d’eau qui le baigne, de la vallée principale qui lui fournit son débouché, ses prés, ses eaux, et de la vallée affluente qui lui compose une campagne agricole et lui apporte la vie des champs, des vignes et des bois. Toutes ces influences multiples, le village les réunit, les concilie en lui, en règle son activité et en réalise son aspect et son caractère.

Le vrai village ripuaire s’est établi sur les rivières que n’anime pas la navigation, mais qui ont façonné une vallée à la mesure de leur modeste débit, et comme à l’image de leur cours moins riche qu’il n’est riant. Mais il y a autant de types de villages ripuaires qu’il y a de cours d’eau. Chaque rivière élabore pour ainsi dire son type d’agglomération humaine, en l’adaptant à son régime et à sa vallée. L’association du village avec le cours d’eau peut d’ailleurs être elle-même très diversement réalisée. Le village, qu’un ruisseau tranquille aligne tout au long sur ses rives sans danger, est à peine dépendant des eaux. Le village de gué ou de pont se rassemble et se garnit de ruelles pour exploiter le passage qu’il donne. Sur les grandes rivières, dont la batellerie anime le cours et vivifie les rives, le village prend aisément rang de tête d’étape et, de grosse bourgade. Mais s’il s’agit d’un puissant cours d’eau aux crues dévastatrices, les villages cherchent refuge sur de lointaines terrasses alluviales. La Saône, par exemple, chasse l’homme de ses rives. Seules se risquent, aux bords de ces eaux irrégulières, quelques grosses agglomérations établies en de rares sites protégés. Elles y ont prospéré de l’isolement et du privilège qu’elles avaient. Petites villes et places fortes, elles ont toutes pour le moins un pont, un port, des quais, des remparts, une valeureuse histoire.
Tout autant que de la rivière, le village dépend de la vallée qui le contient. C’est sur elle qu’il détermine ses proportions, et qu’il fixe son aspect. II grandit de son ampleur, se dilate dans ses bassins, s’allonge et se rétrécit dans ses resserrements, se serre et se tord en ruelles dans ses défilés rocheux. Les prospères campagnes de la vallée, les fertiles terrasses alluviales, les riches collines vineuses, lui composent de multiples rues et d’abondantes demeures. Le village de la vallée la reflète. Il en a la molle aisance, ou la sinueuse douceur, ou l’indigence et l’aspect tourmenté.

Cependant qu’une grande route transversale vienne soudain, sur ce site prospère, rencontrer et croiser l’abondante et calme circulation qui monte et descend la vallée et la rivière...,et du coup alors, c’est la vie urbaine avec son trafic et ses industries qui s’installe sur ces lieux de bonnes terres et d’eaux vivantes !…

Nous en venons ainsi à considérer le rôle qu’a joué le passage dans la fixation et le développement des agglomérations humaines. Un passage, cela implique un obstacle à franchir. Or, dans toute la moitié septentrionale de la France, exception faite des Vosges et de la forêt d’Argonne, on peut considérer les cours d’eau comme les seuls obstacles capables de susciter des difficultés. Chaque lieu guéable où pouvait aisément se franchir la rivière est ainsi devenu, dès l’époque la plus ancienne, un centre important. Et pour que l’agglomération se développât, il n’était même pas nécessaire que le pays eût une valeur par lui-même. Peut-être même, sur les grands cours d’eau rapides, les premiers ponts se sont-ils établis précisément sur les lieux malaisés et qui rebutaient, sur les seuils rocheux et les sites accidentés. Telle fut par exemple l’origine de certaines villes du Rhône.
Il est malheureusement très difficile d’expliquer la construction des premiers ponts, et il est impossible d’en préciser l’époque. Nous pouvons affirmer pourtant, que dès une époque très antérieure à l’arrivée des Romains, des ponts sur pilotis, ou des passerelles existaient sur les rivières, aux gués les plus aisés et les plus importants 1.
1.Avant l’arrivée des Romains, il y avait partout déjà des ponts en Gaule, même sur les grandes rivières et les fleuves. Paris, Melun, Orléans, Nevers, Saumur, les Ponts-de-Cé, etc., avaient leur pont. A Pont-Saint-Esprit, un pont franchissait même le cours impétueux du Rhône. Ces ponts étaient en général en bois et établis sur pilotis. Mais les gaulois faisaient aussi usage, en temps de guerre, des ponts de bateaux.

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